Réunion publique à Béziers : “Extrême-droite, un combat de société”

Dès les premiers pas sur le parvis de la gare, le climat est donné. Plusieurs policiers municipaux déambulent pour marquer leur territoire. Il faut dire que Béziers n’échappe pas à la règle. Comme toutes les villes passées entre les mains de l’extrême-droite, la police municipale est au cœur de la communication municipale. Depuis son élection en 2014, Robert Ménard n’a eu de cesse d’augmenter le nombre de policiers municipaux.  En 2014, la ville comptait environ une trentaine de policiers municipaux. Aujourd’hui, ils sont plus de 110. À deux ans des prochaines élections municipales, le maire vient d’annoncer l’arrivée de 16 agents supplémentaires. Rien n’est laissé au hasard. Comme si la multiplication des policiers ne suffisait pas, des affiches géantes format blockbuster américains sont placardées aux quatre coins de la ville pour rappeler que LA priorité de la ville est la sécurité. En bon maire d’extrême-droite, Robert Ménard pratique aussi la surveillance généralisée. On compte, sur l’ensemble de la ville, plus de 440 caméras contre une trentaine en 2014. L’affiche d’une sur-sécurisation de l’espace public est une des constantes des municipalités d’extrême-droite. J’ai pu le mesurer au cours de mes différents déplacements à Hayange, Hénin-Beaumont ou encore Perpignan.

Si nous avons choisi d’organiser une réunion publique autour du thème « extrême-droite, un combat de société », c’est pour mettre en lumière, au cœur d’une ville dirigée par un maire d’extrême-droite, l’impasse et le danger que représente ce courant de pensée politique. La salle dans laquelle se déroule la réunion publique est un vrai symbole. C’est une magnifique salle qui appartient à « La Colonie Espagnole », association créée en 1889 face à la croissance des réfugiés espagnols dans le sud de la France, provoquée par les séquelles de la guerre Carliste. Pendant de nombreuses années, elle fut un haut lieu de résistance au pouvoir franquiste espagnol avec de nombreux meetings organisés par des républicains espagnols en exil. Je dois dire le plaisir qui est le mien de croiser de nombreux camarades cheminots présents dans cette salle. Plus de 100 personnes se sont donné rendez-vous ici un samedi après-midi, sans que le journal local « Le Midi Libre », aux ordres de la macronie, n’ait daigné annoncer cette réunion publique. C’est dire l’intérêt des citoyens pour ce sujet. Dans un moment où la question de la laïcité est instrumentalisée à des fins de propagande raciste et de division du peuple, les mots prononcés à la tribune par Christophe Benoit, responsable de la Libre Pensée à Béziers, sonnent comme une évidence. Depuis son élection, Robert Ménard a fait de l’installation d’une crèche chrétienne à l’intérieur même de sa mairie un cheval de bataille. Face à cela, Christophe rappelle que la présence de cette crèche chrétienne est « une provocation » qui alimente « la division des Biterrois sur des critères communautaristes », avec le choc des civilisations. N’oublions pas que la loi est une loi de paix civile et de liberté, la liberté de croire ou de ne pas croire, qui doit être un choix individuel dans lequel les politiques n’ont pas à s’immiscer. Grand donneur de leçons sur le respect des lois de la République, le Maire de Béziers oublie de dire qu’il a déjà été condamné à cinq reprises entre 2014 et 2022 pour l’installation de cette crèche. Cette instrumentalisation de la laïcité à des fins politiques trouve sa traduction concrète dans une stigmatisation des étrangers toujours plus exacerbée. Comme le souligne Jean-Philippe Turpin, responsable de la CIMADE, « l’étranger est un épouvantail agité par la mairie pour cacher les autre problèmes ». Après plusieurs mois de débat nauséabond autour de la loi dite « contrôle de l’immigration », le responsable associatif indique que nous n’avons pas à dire « oui ou non à l’immigration » car « la migration est une réalité intemporelle, qu’il est impossible de vouloir stopper et que le facteur climatique va accentuer ». La question qui se pose est celle de l’accueil digne, du partage des richesses et de la dignité humaine. Dans un débat où l’extrême-droite veut imposer ses idées, il alerte sur le risque de recours à la rhétorique « utilitariste » au sujet des migrants ce qui sous-entend « qu’il y aurait des migrants utiles et d’autres inutiles ».

Dans un moment où les actes violents d’extrême-droite se multiplient, la prise de parole du maire de Grabels René Revol, agressé par des militants d’extrême-droite, fut particulièrement émouvante. Sa présence était pour nous importante car la haine que lui, et sa commune, subissent depuis plusieurs mois ne vient pas de nulle part. Au cœur de l’été, le maire de Béziers, toujours à la recherche de coups de communication, refuse de marier Mustapha, un Algérien de 23 ans car il est sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Face à cette situation insupportable, et profondément raciste, René Revol prend publiquement position au nom des valeurs qui l’animent. Avec trois députés insoumis (Nathalie Oziol, Sylvain Carriere et Andrée Taurinya), il décide de saisir le Procureur de la République de Béziers. Depuis, une campagne de tags nazis a été menée au cœur de Grabels, la maire a été menacé de morts par des courriers avant de subir une agression physique. Voilà où mènent les campagnes racistes orchestrées par l‘extrême-droite partout dans le pays. Face à ce déferlement, j’ai tenu à saluer le courage de René qui n’a rien cédé et continue de mener un combat frontal contre l’extrême-droite. Il a aussi rappelé que face aux haines, notre meilleur rempart est la République sociale.

Au moment où une mobilisation importante des agriculteurs se déroule, mon camarade député Sébastien Rome est venu rappeler l’importance d’investir tous les terrains. Loin des discours qu’on entend parfois « où tous les agriculteurs seraient des fachos », il indique « que nous avons toute notre place dans cette bataille (comme dans toutes les luttes) pour porter nos propositions et démontrer combien les idées d’extrême-droite n’apporteront aucune perspective à celles et ceux qui se mobilisent contre le modèle de société qui les empêche de vivre dignement de leur travail ». Il faut insister sur cette nécessité de ne pas se laisser imposer les thèmes du débat. Oui, nous avons toute notre place aux cotés des agricultrices et agriculteurs en lutte. Nous n’avons pas attendu les blocages pour porter des propositions. Mon collègue Manuel Bompard défendait, le 30 novembre dernier, une proposition de loi pour garantir des prix plancher pour les agriculteurs, l’encadrement des marges des industries agroalimentaires et de la grande distribution. En décembre 2022, c’est mon camarade Hadrien Clouet, député de Haute-Garonne, qui défendait une proposition de loi pour revaloriser les retraites agricoles. Alors qui peut encore douter que notre place est aux côtés de celles et ceux qui luttent ? Il y a la réalité des plateaux télés où chacune et chacun se dit défendre le monde agricole et la réalité des actes concrets. À l’Assemblée nationale comme au Parlement européen, les insoumis n’ont jamais dérogé de leur ligne : faire en sorte que les agriculteurs vivent dignement de leur travail, s’opposer aux accords de libre-échange et sortir l’agriculture des logiques de marchés.

Au moment de prendre la parole pour conclure cette réunion, je tiens une fois de plus à saluer René Revol pour son engagement et ses combats. C’est pour nous un exemple de ténacité, y compris dans l’adversité la plus violente. J’assume de dire que le combat contre l’extrême-droite doit être frontal. Face à ces gens, nous ne devons rien céder. Jamais. Nous sommes le dernier rempart face à ce courant de pensée qui fait du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie un programme politique. Venir ici à Béziers c’est aussi envoyer le signal que nous mènerons la bataille partout et qu’aucun territoire n’appartient à l’extrême-droite. Je ne vais pas ici revenir sur l’intégralité de mon intervention mais je vais m’arrêter sur trois points.

D’abord, nous avons le devoir de mener un travail permanent de déconstruction des idées d’extrême-droite qui infusent dans la société sans que forcement des gens n’y adhèrent. Mais comment être étonné que le fantasme, par exemple, de l’aide médicale d’État comme responsable de la saturation de l’hôpital public, soit repris par plusieurs personnes quand il est relayé du matin au soir par des chaînes d’information en continu ? De la théorie du grand remplacement à la question des prestations sociales, en passant par le logement, l’emploi ou les salaires, nous avons des arguments pour démonter les mensonges de l’extrême-droite. Béziers est une ville qui compte plus de 1600 logements insalubres, 10.000 vacants et plus de 2000 sont en suroccupation. Qui peut croire qu’en expulsant tous les étrangers, la situation va s’améliorer ? La question du mal logement est une question politique, qui ne se résoudra que par une grande politique publique du logement, des investissements, le respect des lois, en particulier la loi SRU. Affaiblir les droits des étrangers, n’est jamais synonyme d’amélioration des droits des autres. Ici à Béziers, nous avons un symbole de cette politique de diversion. Alors que plus de 30% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et que le taux de chômage pour les 25-54 ans est de 21%, Robert Ménard a fait le choix d’embaucher plus de policiers municipaux mais a supprimé 200 postes depuis 2014 au sein des autres services municipaux. À Béziers, c’est plus de policiers mais moins d’éducateurs et de médiateurs. En clair, moins de social et plus de sécurité.

Nous devons mener un travail de transparence sur les votes des élus d’extrême-droite. Je vais prendre un seul exemple. Ici dans l’Hérault comme dans ma circonscription en Seine-Saint-Denis, la question des déserts médicaux est une préoccupation majeure pour les habitants.  Dans le département de l’Hérault on compte 120 médecins généralistes pour 100.000 habitants dans le département. Pour tenter d’apporter des solutions concrètes, nous avons déposé il y a quelques mois une proposition de loi transpartisane, loin d’être révolutionnaire, mais qui régule l’installation des médecins pour permettre de lutter contre ces déserts médicaux. Les députés du Rassemblement National ont voté contre. Les habitantes et habitants de Béziers, comme des autres circonscriptions où se trouve un député du RN le savent-ils ? C’est un travail permanent, mais c’est aussi à ce prix que nous ferons reculer l’extrême-droite dans notre pays.

Ensuite, et c’est pour moi un point central, il ne faut jamais céder sur les polémiques organisées par le système. Des violences policières à la défense du peuple palestinien en passant par Médine ou l’abaya, nous avons eu raison de tenir la ligne. Nous sommes dans ce pays les derniers à défendre une partie de nos concitoyens qui sont à longueur de journée montrés du doigt, insultés et diffamés. Si nous n’avions pas tenu la ligne sur la question de l’abaya où en serions-nous aujourd’hui ? Pendant des jours une polémique raciste, organisée au plus haut niveau de l’État, a montré du doigt les musulmans de ce pays, les accusant de tous les maux. Certains sont mêmes venus dire que derrière chaque abaya, voire chaque musulman, se cachait un potentiel terroriste. Mais de quoi parle-t-on au juste ? Sur 12 millions d’élèves, moins de 70 personnes ont refusé de l’enlever. L’objectif est toujours le même. Diviser pour faire croire que le problème de l’école publique serait le musulman. Non le problème de l’école publique c’est le manque d’enseignants, le manque d’AESH, la non gratuité de la cantine, le manque de transports scolaires, le séparatisme scolaire des riches. Et cela ce n’est pas de la faute des musulmans, mais du gouvernement Macron.

Enfin je ne peux terminer sans pointer l’immense responsabilité du président Macron et de son gouvernement dans la montée de l’extrême-droite en France. Lui qui se présentait comme « un barrage », affirmant au soir du deuxième tour en 2022 que « le vote l’obligeait », est un formidable tremplin pour l’extrême-droite. Pour cela il peut compter sur deux formidable ambassadeurs : Gabriel Attal et Gérald Darmanin. Depuis des mois, le ministre de l’Intérieur ne cesse d’alimenter une atmosphère raciste dans le pays, n’hésitant pas à pointer du doigt les musulmans pour jouer un rôle de trait d’union entre la macronie, la droite et l’extrême-droite. Le vote de la loi sur l’immigration, où des macronistes ont voté pour une partie du programme de Jean-Marie Le Pen, parachève cette stratégie de jonction. Il faut dire qu’au moment d’écrire ces lignes, la France est un des derniers pays européens où la droite et l’extrême-droite ne sont pas officiellement alliées et en responsabilité, à la tête d’une collectivité départementale, régionale voire étatique.  La nomination d’Attal est un continuum dans cette stratégie. Il suffit d’observer les premières réactions des députés RN lors de sa nomination comme Premier ministre. Ils ont dressé de véritables louanges de son passage à l’Éducation nationale. Et pour cause, le ministre a commencé son mandat sur la polémique raciste de l’abaya pour finir par défendre l’uniforme à l’école … proposition historique de l’extrême-droite. La macronie prépare le terrain de l’extrême-droite en installant au plus haut niveau de l’État ses mots et ses idées. Face à cela, nous devons continuer à porter le programme de l’union populaire. Au-delà de ce que je viens d’évoquer, la bataille contre l’extrême-droite, qui passe aussi par une reconquête des millions d’abstentionnistes, ne peut se gagner sans une perspective politique émancipatrice et victorieuse. C’est en créant les conditions d’une victoire, sur un programme clair de rupture avec le capitalisme, modèle économique qui s’accommode de l’extrême-droite car elle ne remet jamais en cause ses intérêts, que nous mettrons un coup d’arrêt à la montée de l’extrême-droite. Le score de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, comme la victoire de la NUPES au premier tour des élections législatives, sont des formidables point d’appuis pour demain. Ceux qui au nom de petits calculs politiques d’appareils s’acharnent à casser cette dynamique portent une lourde responsabilité dans ce qui peut se passer demain dans le pays. Pour nous, la boussole sera toujours la même, l’union populaire au service des intérêts du peuple.

Au moment de quitter Béziers, je découvre qu’Emmanuel Macron prend la pause avec le Président Indien Narenda Modi, suprémaciste et persécuteur de 200 millions de musulmans dans son pays.  Après avoir été le premier président à aller saluer la fasciste Meloni à Rome, après la photo avec le maillot de l’Argentine dédicacé par le nouveau président argentin Javier Milei, après l’accueil de Orban, Macron fait à nouveau honte à la France. Président des riches, mais aussi premier porteur des régimes d’extrême-droite dans le monde.

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