Ce mercredi 11 septembre, j’ai eu l’honneur d’accueillir à l’Assemblée nationale, avec le groupe parlementaire La France insoumise, Monsieur Qadura Fares, ministre palestinien en charge des détenus et des ex-détenus, pour une audition consacrée aux prisonniers palestiniens en Israël.
Accompagné de Salah Hamouri, avocat franco-palestinien ayant passé une décennie dans les geôles israéliennes, nous avons été confrontés à des témoignages bouleversants sur les conditions de détention des prisonniers politiques palestiniens.
Depuis 1967, plus d’un million de Palestiniens ont été emprisonnés, touchant toutes les familles palestiniennes.
Avant le 7 octobre 2023, l’ONG Addameer comptait environ 5 200 prisonniers politiques et 1 250 prisonniers administratifs. En juillet 2024, ce nombre a explosé à 9 700 prisonniers politiques, dont 79 femmes, 250 mineurs, 12 députés du Conseil législatif palestinien, 3 380 prisonniers administratifs, 300 prisonniers de Jérusalem-Est, 200 prisonniers palestiniens d’Israël et 561 condamnés à perpétuité.
Si la situation des prisonniers est connue depuis longtemps et largement documentée, les témoignages récents font état d’une aggravation dramatique des violations des droits humains depuis le 7 octobre. L’augmentation massive des arrestations, souvent considérées comme des moyens de pression pour négocier des libérations d’otages, touche des milliers de Gazaouis, y compris des mineurs, des femmes, des personnes âgées, et du personnel médical. Beaucoup sont capturés dans des lieux supposés protégés, comme les hôpitaux et les écoles.
Le Comité international de la Croix-Rouge n’a plus accès aux prisons israéliennes, en violation des Conventions de Genève. Plusieurs ONG rapportent l’utilisation de nouvelles méthodes de torture laquelle s’est intensifiée et generalisée..
« La comparaison avec les prisons de Guantanamo n’est plus suffisante », insiste M. Qadura.
Les conditions de détention sont inhumaines.
Un rapport de l’ONU de juillet 2024 décrit des conditions horribles : des prisonniers détenus dans des installations ressemblant à des cages, déshabillés pendant de longues périodes et contraints de porter uniquement des couches. Ils témoignent de bandages prolongés sur les yeux, de privation de nourriture, d’eau et de sommeil, de chocs électriques, de brûlures de cigarettes, et même de chiens lâchés sur eux. Certains ont subi la torture par l’eau, ont été suspendus au plafond ou soumis à des violences sexuelles et sexistes.
Amnesty International a interrogé 27 prisonniers récemment libérés, dont cinq femmes et un mineur de 14 ans. Ils rapportent avoir subi des actes de torture et des violences sexuelles et des humiliations.
Nous avons en tête ces neuf soldats israéliens accusés de viol et dont l’arrestation fin juillet a suscité des manifestations où des députés israéliens sont intervenus pour les soutenir, laissant entendre un soutien tacite à la violence sexuelle envers les prisonniers palestiniens.
L’apartheid en Palestine, réalité palpable, trouve une illustration marquante dans un système judiciaire à deux vitesses, où les Israéliens bénéficient d’une justice civile tandis que les Palestiniens sont soumis à une justice militaire. La majorité des condamnations découle de la procédure de plaider coupable, où l’accusé plaide coupable pour obtenir une réduction de peine. Un prisonnier peut être détenu jusqu’à 180 jours sans voir d’avocat.
Le système judiciaire israélien, ainsi que l’emprisonnement des opposants politiques, sont des piliers essentiels du système colonial en place.
Ce constat est tellement évident que les soutiens inconditionnels d’Israël en France n’ont pas hésité à m’attaquer pour avoir organisé cette audition.
Ils nous reprochent d’avoir invité Salah Hamouri, le qualifiant de « terroriste ». Seules des personnes de mauvaise foi peuvent assimiler Salah Hamouri à un terroriste. En 2008, bien qu’il ait toujours affirmé son innocence, le procureur a proposé à son avocate qu’il plaide coupable pour éviter une peine beaucoup plus sévère. Conscient de l’iniquité du système judiciaire auquel il était confronté, il a accepté.
On a entendu « les insoumis fatiguent tout le monde avec leur propagande pro-palestinienne».
Soyez prêts. En tant qu’élus français et internationalistes, nous dénonçons toujours la complicité de notre État et appellerons sans cesse à des actions qui favorisent la paix et la justice internationale.
Nous dénonçons les violations continues et institutionnalisées du droit international par l’État d’Israël. Nous appelons la France à adopter des mesures fermes pour exercer une pression sur Israël et exiger la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens. Nous condamnons également la “peine de mort lente” infligée à Georges Ibrahim Abdallah, détenu depuis près de 40 ans et dont la libération est possible depuis 1999.
« La reconnaissance de l’État de Palestine représente non seulement un espoir, mais aussi une pression politique sur Israël pour qu’il reconnaisse les droits des Palestiniens ».
Nous avons assuré à M. Qadura Fares qu’il peut compter sur notre soutien indéfectible pour défendre les droits du peuple palestinien.
Lors des dernières élections législatives, les Français ont voté pour le programme du Nouveau Front populaire. Ils soutiennent la reconnaissance immédiate de l’État de Palestine, l’imposition d’un embargo sur les livraisons d’armes à Israël et les sanctions contre le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu tant que celui-ci ne respecte pas le droit international à Gaza et en Cisjordanie.
Cette rencontre avec M. Qadura Fares a été l’une des plus marquantes de mon mandat jusqu’à présent, empreinte d’émotion face aux témoignages poignants entendus.
Nous avons eu une pensée pour Jean-Claude Lefort, proche de M. Qadura et ami de la Palestine, ainsi que pour Marwan Barghouti, figure de la paix actuellement emprisonné en Israël depuis 2002.
M. Qadura, revenez nous voir. Vous serez toujours le bienvenu en France. Vous pouvez compter sur nous, les insoumis et les insoumises, pour porter votre témoignage et continuer à sensibiliser sur la condition des détenus palestiniens.
Nous savons que les Palestiniens résistent car, comme l’a écrit avec justesse Mahmoud Darwich, les Palestiniens sont « des malades d’espoir ».