Ce vendredi 7 juillet, avec plusieurs députés de La France Insoumise, nous organisions un cycle d’auditions sur les récentes révoltes urbaines. Militants, professeurs d’universités, sociologues, et professionnels du droit, sont venus nous éclairer sur les raisons de cette colère populaire et sur les réponses politiques à apporter.
« Rien de nouveau » nous dit-on. Le meurtre de Nahel s’inscrit dans une histoire et son nom s’ajoute à la longue liste des meurtres de policiers.
« Rien de surprenant » nous dit-on également. Les révoltes qui ont suivi ce meurtre sont le résultat de politiques publiques et d’une gestion raciste des banlieues.
Elles découlent du désinvestissement des quartiers populaires, sous dotés en services publics et relayés au banc de la société, comme des territoires de seconde zone.
Elles mettent en exergue la mise à mal du tissu associatif, véritable relais de l’État, qui pâtit de la coupe des subventions publiques mais aussi d’une politique répressive marquée par la loi dite « séparatisme » qui s’en prend à la solidarité dans les quartiers en instrumentalisant la préservation de la laïcité.
Elles démontrent aussi l’échec des politiques du tout sécuritaire, qui proposent pour seule trajectoire toujours plus de caméras et toujours plus de police.
Cette crise est le résultat du refus des pouvoirs publics d’agir contre les violences policières et le racisme dans la police.
Signe de l’absence de remise en question à ce sujet, aucun gouvernement n’a remis en cause la suppression de la police de proximité depuis 2003. Aucun gouvernement n’a entrepris de politique sérieuse contre les délits aux faciès, les discriminations à l’accès au travail, au logement, aux soins, à l’éducation. Sur ce point, il est souligné que l’école est la première rencontre d’un jeune avec la République. Ainsi, c’est aussi le premier lieu où certains d’entre eux se heurtent à des discriminations systémiques. Prendre cela en compte permet de concevoir l’aspect politique des violences à l’encontre d’établissements publics éducatifs.
Nahel est la 5ème personne tuée par une personne dépositaire de l’autorité publique depuis le début de l’année. Nous avons atteint 40 victimes en 2020, 52 en 2021 et 39 en 2022. En une décennie, le nombre de décès dans le cadre des missions de police ou de gendarmerie a doublé. En ce qui concerne les refus d’obtempérer, 13 personnes ont été tuées en 2022 par des tirs de policiers sur leurs véhicules.
Sur ce point, les préconisations sont claires : commencer par abroger la loi « permis de tuer » de 2017, votée sous le gouvernement de Bernard Cazeneuve qui a assouplit les conditions de tirs en autorisant notamment la possibilité de tirer sur les conducteurs qui refusent d’obtempérer.
Parmi les autres recommandations, celle de supprimer la procédure de comparution immédiate trouve un écho particulier. Symbole d’une justice expéditive, cette procédure est particulièrement appliquée aux classes populaires. Déjà remarquée lors du mouvement des Gilets Jaunes, elle a été la réponse judiciaire quasi-systémique pour répondre aux émeutes urbaines. Pour rappel, une fois l’infraction commise, la personne est placée en garde à vue pendant 48 heures au cours desquelles les policiers sont censés enquêter et aux termes desquelles le prévenu est présenté devant le tribunal. Parce qu’on rend la justice en 48 heures, la comparution immédiate pose des questions sur le plan probatoire. Selon les professionnels, le temps d’enquête est insuffisant de sorte que les juges se retrouvent à décider du sort d’un prévenu sur le fondement de quelques PV de policiers. Aussi, cette procédure interroge quant au principe d’individualisation de la peine, le temps d’enquête ne permettant pas de recueillir des éléments précis et nécessaires sur la situation et la personnalité du prévenu.
Les professionnels du droit ont témoigné leur désolation devant l’enchainement des comparutions, l’âge parfois très jeune des prévenus, leur état, certains comparant « défigurés » après des interpellations violentes, ainsi que la lourdeur des peines prononcées. En effet, les peines ont été particulièrement fortes – plus lourdes que dans des affaires de violences familiales ou de corruption – donnant l’impression d’une justice politique.
Aussi, le traitement judiciaire des personnes interpellées a mis en exergue l’absence d’indépendance des procureurs, lesquels ont été destinataires d’une circulaire du ministre de la Justice Éric Dupond Moretti, leur demandant d’être « rapide, ferme et systématique » et d’engager des poursuites contre les parents.
Par-dessus tout, cette séquence est venue démontrer que le pouvoir est prisonnier de sa police. En témoigne l’absence de réaction vis-à-vis du communiqué de presse fasciste des « syndicats » factieux Alliance et Unsa Police qui déclarent être « en guerre » contre des « nuisibles ».
L’heure n’est plus à parler des banlieues, mais à agir pour les banlieues.
Sans approuver ces violences qui ont suivi le meurtre de Nahel, les acteurs de terrain auditionnés affirment qu’elles devenaient « inévitables », de sorte que leur responsabilité incombe à celles et ceux qui ont créé les circonstances qui les ont rendues inéluctables.
D’ailleurs, certains d’entre eux, éducateurs et médiateurs, ont dénoncé leur utilisation par les municipalités qui les ont envoyés en première ligne pour jouer un « rôle de pansement ».
Faute de volonté politique, le silence, contraint par la répression, reviendra… jusqu’à la prochaine révolte populaire.
Rendez-vous le 15 juillet prochain pour un rassemblement place de la République, à l’appel de la coordination nationale contre les violences policières.